Le passé et l’avenir du programme-cadre Horizon de l’UE

15 Fév 2024

Suite à la conférence annuelle Science|Business “What’s on the Horizon? Framing the next 40 years of European R&I“, Science|Business a publié le rapport spécial sur le 40e anniversaire du programme phare de R&D de l’UE intitulé “The past and future of the EU’s ‘Horizon’ Framework Programme” qui pose des questions sur l’évolution ultérieure du cadre, ainsi que sur celle d’autres initiatives de R&D européennes et mondiales, tant publiques que privées. En voici quelques éléments clés.

9ème programme-cadre (Horizon Europe, 2021-2027) – budget 95,5 milliards d’euros

L’actuel programme-cadre FP9 a mis l’accent sur l’innovation ouverte, la science ouverte et l’ouverture au monde, trois “piliers” de Horizon Europe. L’innovation ouverte s’est traduite en Conseil européen de l’innovation (EIC), pour financer l’innovation commerciale avec des subventions, des prêts et des capitaux propres, ce qui est devenu une première dans le programme-cadre. La science ouverte reflète un soutien accru à la recherche fondamentale du Conseil européen de la Recherche (ERC) et aux actions Marie Skłowdowska-Curie pour les échanges d’étudiants. L’ouverture au monde indique une expansion supplémentaire de Horizon pour inclure plus de membres non-européens.

La Commission a également entrepris l’analyse économétrique la plus étendue à ce jour des cadres et des dépenses de R&D, aboutissant à une affirmation selon laquelle chaque euro dépensé pour Horizon 2020 avait produit environ 5€ d’effets économiques directs et indirects estimés grâce aux innovations, aux nouvelles technologies et aux produits (rapport de janvier 2024). Une nouvelle approche de la R&D axée sur les grands défis a été développée : les cinq missions. La nouvelle structure proposée comprenait également un programme horizontal appelé “élargissement” pour renforcer l’Espace européen de la recherche (ERA). Le plan Horizon Europe incluait également l’Institut européen de l’Innovation et de la Technologie (EIT) proposé par l’ancien Président de la Commission, José Barroso, encore dans le cadre du FP7, pour la coopération université-industrie. Les partenariats industriels devaient être moins nombreux mais plus importants, avec un impact plus important.

À présent, Horizon Europe est en fonction depuis trois ans. Pendant ce temps, plus de 20 000 subventions, avec 68 000 participants, ont été attribuées, avec 28,6 milliards d’euros de fonds de l’UE. Elles impliquent 17 membres non-européens, avec le Canada et d’autres qui devraient bientôt les rejoindre. Il est à noter la rapidité avec laquelle la Commission a mobilisé plus d’un milliard d’euros au printemps 2020 pour la recherche urgente sur le COVID19 ; a intensifié le financement dans de nouveaux domaines stratégiques comme le carburant à l’hydrogène, l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et les semi-conducteurs ; a réussi à impliquer davantage de chercheurs d’Europe de l’Est ; et a utilisé le programme à des fins diplomatiques.

Prochain programme-cadre (2028-2034) 

Les travaux sur le FP10 ont débuté publiquement en février 2023, lorsque la Commission a publié les résultats d’une consultation publique. La conclusion a été un appel de la communauté de la recherche à ce que le programme se développe, avec une vision plus claire et un bon équilibre entre la science fondamentale et appliquée.

La Commission a mis en place un groupe de 15 membres-experts présidé par l’ancien ministre portugais de la science, Manuel Heitor, chargé d’examiner le plan stratégique pour les trois dernières années d’Horizon Europe et de formuler des recommandations pour le FP10. Ce groupe devrait livrer ses conseils d’ici octobre 2024. Au sein de la Commission, une taskforce dédiée a été mise en place réunissant les directions générales pertinentes ayant des liens avec la recherche, notamment la santé, les transports et le numérique. La Commission rassemble également des documents de position, des données et des analyses pour élaborer l’évaluation intermédiaire d’Horizon Europe, qui sera finalisée et publiée au début de 2025.

La grande question sera le budget, qui n’est pas du ressort de la Commission, mais des ministres des Finances et des chefs d’État, aux côtés du Parlement européen. Le budget sera proposé comme un élément du MFF de l’UE sur sept ans qui régit les dépenses globales de l’UE. Les chiffres seront largement déterminés par la politique et éclairés par l’examen des dépenses, qui évaluera comment le budget actuel a réussi à atteindre ses objectifs dans des domaines tels que la politique climatique et numérique. La communauté de la recherche souhaite doubler le budget actuel d’Horizon Europe, qui est de 95,5 milliards d’euros. Mais il est peu probable qu’elle obtienne satisfaction. En plus du stress au niveau national, il y a les prêts que l’UE devra rembourser avec ses fonds de relance liés au COVID.

Domaines en débat

Diverses nouvelles initiatives, fonds et instruments ont été introduits dans Horizon Europe. Les éléments suivants sont controversés et pourraient susciter le plus de débats :

  • Recherche fondamentale vs recherche appliquée. Il y a un accord général sur le fait qu’il y a un déséquilibre dans le pilier 2 d’Horizon Europe “Problématiques mondiaux et compétitivité industrielle européenne”, qui représente plus de la moitié du budget d’Horizon. Mais il y a peu d’accord sur la manière d’aborder cela, les universités disent que la recherche pour établir des concepts de base et les valider en laboratoire est négligée, tandis que l’industrie soutient que c’est maintenant le moment de concentrer les ressources sur la démonstration des technologies à grande échelle et de promouvoir l’innovation sur le marché. En tant que principal organisme de financement de la recherche fondamentale d’Horizon Europe, le Conseil européen de la recherche (ERC) dit avoir besoin de plus d’argent. Le principal organisme de financement de l’innovation, le Conseil européen de l’innovation (EIC), dit que l’Europe a besoin de technologies stratégiques plus rapidement. Trouver le bon équilibre ne sera pas facile, et le FP10 devra alors se voir attribuer un budget nettement plus élevé que celui d’Horizon Europe.
  • Gouverner un programme de recherche international. Horizon Europe est le premier programme-cadre à ouvrir ses portes à de nombreux participants étrangers sur un pied d’égalité pour la plupart. Il est devenu un moteur de coopération scientifique mondiale. Cela peut poser problème pour la gouvernance du prochain FP. À l’heure actuelle, l’accord de base est que les pays tiers versent des sommes variables dans la cagnotte de l’UE afin que leurs chercheurs puissent postuler sur un pied d’égalité pour un financement d’Horizon avec leurs collègues des États-membres de l’UE. Mais la plupart de ces pays non-membres de l’UE n’ont pas de droit de vote formel sur les priorités du programme: queols sujets seront financés, et quand, comment les bénéficiaires seront choisis, comment les projets et le budget global seront gérés.
  • Lump sums. Sous Horizon 2020, la Commission a expérimenté un nouveau type de mécanisme de financement : au lieu d’une subvention versée au fur et à mesure que les coûts sont documentés, la Commission a essayé un arrangement de “forfait global” qui lie le déboursement à des étapes spécifiques. Dans Horizon Europe, la Commission a étendu la méthodologie à plus de parties du programme et prévoit de distribuer jusqu’à la moitié des subventions de cette manière d’ici la fin du programme. Mais certains disent qu’il y a encore trop peu de preuves que le financement en forfait global simplifie effectivement la vie des bénéficiaires suffisamment pour justifier un déploiement massif. Une grande partie de la charge de calcul des coûts incombe désormais aux candidats lors de la proposition. Un gros problème a été le calcul des salaires des chercheurs et du personnel sur les projets lump sums, car les estimations salariales de la Commission deviennent rapidement obsolètes avec l’inflation croissante. C’est un problème très pointu, mais d’une importance vitale pour les grands et petits laboratoires ainsi que les entreprises espérant obtenir un financement du FP.
  • Conseil européen de l’innovation (EIC) : Pour aider les entrepreneurs européens en difficulté, Horizon Europe a introduit, dans l’EIC, un fonds de démarrage européen de 10 milliards d’euros. Le démarrage n’a pas été sans heurts pour l’EIC. Les décideurs devront trouver comment gérer le fonds de capital-risque de l’EIC alors qu’il prend de l’ampleur et décider s’il doit bénéficier d’une plus grande indépendance vis-à-vis de la Commission.
  • Plateforme des technologies stratégiques pour l’Europe (STEP). Pour combler le fossé de financement des technologies vertes, la Commission a orchestré la création d’un Fonds européen de souveraineté, encouragé par la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Cela s’est finalement transformé en STEP, un fonds pour développer les technologies de pointe, les technologies propres et la biotechnologie. Cela devrait être une fusion de fonds existants avec une injection de 10 milliards d’euros de nouveaux fonds des États-membres. Cependant, les États-membres ont préféré investir 1,5 milliard d’euros pour le Fonds européen de la défense. Le manque de dynamisme pour un fonds technologique dédié laisse une question ouverte sur la manière dont l’UE prévoit de financer son chemin vers la souveraineté technologique, avec des implications diverses pour le prochain FP.
  • Synergies. Le FP n’est pas la seule source de financement liée à la R&D en UE, à côté des Fonds structurels, du Fonds européen de la défense, de divers instruments de la Banque européenne d’investissement (BEI) et plus encore. Mais chacun ayant ses propres règles et procédures, la Commission essaie de mieux coordonner le tout, de sorte qu’un candidat à un programme puisse passer à un financement dans un autre programme au fur et à mesure de l’avancement du projet. Le projet de rapport ERAC des États-membres sur le FP10 a mis en avant les synergies comme l’une des priorités clés.
  • Avenir des mesures d’ “élargissement”. Une caractéristique clé d’Horizon Europe était une expansion, à 3,3 milliards d’euros, des programmes pour mettre en réseau les chercheurs d’Europe de l’Est dans les consortiums de subventions occidentaux. Beaucoup disent que le mélange actuel d’instruments d’élargissement ne fonctionne pas bien.
  • Avenir des missions. Une nouveauté d’Horizon Europe sont ses cinq “missions” – des efforts spéciaux pour regrouper des subventions autour d’objectifs politiquement attrayants et hautement visibles, comme guérir le cancer ou rendre les villes résistantes au climat. Sous quelle forme et de quelle manière ces projets devraient-ils continuer, il n’est pas encore clair.
  • Carrières de recherche. 2023 a vu des progrès pour les chercheurs européens. Manuel Heitor demande un meilleur système de suivi des carrières de recherche et un nouveau régime pilote de financement pour améliorer les conditions de travail.
  • Règles du jeu. À chaque FP, simplifier les procédures a été un objectif clé. Dans Horizon Europe, cela comprend des plans d’égalité des genres, des plans de gestion des données, garantissant que le projet ne nuit pas à l’environnement, et le respect des principes de la science ouverte. Certains veulent voir une évaluation approfondie de l’impact réel de ces nouvelles mesures sur la qualité des propositions et leur mise en œuvre.
  • Double usage. Avec la montée des tensions géopolitiques, la Commission cherche à financer la recherche et l’innovation en matière de défense. En janvier 2024, elle a proposé de permettre le financement dans le prochain programme-cadre de technologies à double usage, civil et militaire. Des consultations à ce sujet sont en cours. Les États-membres devront donner leur approbation, mais une forte résistance est peu probable. Un changement est imminent et pourrait avoir un impact sur la participation des pays tiers au FP10, y compris les chercheurs des pays associés. Aujourd’hui, les États-membres de l’UE ont la possibilité d’exclure des pays associés comme le Royaume-Uni, le Canada ou la Nouvelle-Zélande des appels sensibles, et l’inclusion de projets à double usage pourrait élargir l’utilisation de cette pratique.

 

En Wallonie, le point de contact pour le pilier 1 du programme Horizon Europe est le FRS-FNRS, et celui pour les piliers 2 et 3 est le NCP Wallonie.

 

Crédit photo: © Photo de Nicole Avagliano sur Unsplash

 

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